Vers un av enir radieux 2023 streaming

Giovanni, réalisateur italien en angoisse entre une femme en analyse et un producteur au bord de la faillite, a cessé de croire en l'avenir. A l'image de son protagoniste, figure de proue de l'Unité et de la section communiste du Quarticciolo, il veut « en finir » avec le monde qui avance dans une direction obstinée et contraire : sa femme a décidé d'investir dans un jeune réalisateur dé-genre, sa fille pour épouser un homme (beaucoup) plus âgé qu'elle, son actrice principale pour improviser l'amour en histoire politique et puis il y a Netflix qui produit du cinéma en conserve.

Entre une chanson et un refrain, il arrive à la fin de son film, qui se déroule à Rome en 56, celui avec les chutes de neige historiques, les premières lumières électriques et les sections communistes en émoi après l'entrée des chars soviétiques et Budapest. Derrière les barricades de (son) existence, il riposte aux tirs ennemis et résiste à l'artillerie amie mais finira par se rendre au meilleur de lui-même, menant une tribu d'acteurs fidèles là où le soleil se lève encore et le vent se repose enfin.

Il y a un motif récurrent dans l'œuvre de Nanni Moretti que Pierre Sky dans un essai posthume définit comme "chant-contre-chant". Il ne s'agit pas d'une chanson utilisée à des fins d'illustration dans un film mais d'un chevauchement de voix, les personnages reprenant la chanson qu'ils entendent via l'autoradio, le tourne-disque ou le juke-box, souvent placé au centre de la scène.

La chanson est un procédé narratif qui traverse toute l'histoire du cinéma parlé et s'appuie sur de solides références, Jacques Demy avant tout, mais chez Moretti elle est omniprésente et constitue le moteur de son cinéma, de son nouveau film. L'auteur accorde sa voix à la chanson, qui résonne clairement avec les événements auxquels son personnage est confronté et avec les refrains que nous connaissons par cœur.

Obsédé par les chaussures, chaussons et sabots exclus, Sacher et Nutella, il nourrit une tout aussi magnifique obsession de la chanson et des rêves d'un film dans le film : une histoire d'amour sur des notes d'airs italiens. Ainsi Tenco « joue » sur la dolce vita d'un jeune Moretti pressé par le vieil homme qui l'invite à échanger contre un baiser l'aphorisme sentencieux de Michele Apicella. Car cette silhouette de dos, semant des pensées dans le vent et s'autorisant des digressions sous forme d'intermèdes musicaux, n'est pas "le Moretti habituel".

Le soleil du futur est la fin et le début de quelque chose, une sorte d'apothéose (dé)moquée et poignante dans laquelle l'auteur matérialise ses pensées sans obstacles, se lance dans de courts et délicieux coups de gueule contre la violence au cinéma, contre les tribunes, les sabots , improvisation, Staline, il redimensionne l'arrogance béate, demande à sa femme de ne pas le quitter et se met soudain à chanter comme dans un film de Demy, à danser, à taper dans un ballon. Il se laisse emporter par la musique et nous l'accompagnons, ses acteurs l'accompagnent, tournant comme les derviches tourneurs de Franco Battiato.